Compassion à toute épreuve

resurrection_fils-de-naim-22©octobre 2018 – Albert Leclercq- Radio Nationale – Compassion à toute épreuve –

Je vous invite à lire le récit de la résurrection du fils de la veuve de Naïm. Ce récit se trouve dans l’évangile selon Luc au chapitre 7. C’est un récit central au début du ministère de Jésus, car il fait partie des quelques cas de résurrection que relatent les évangiles, qui ont eu un impact sur la réputation et la véracité de son message. Lisons du verset 12 à 17 : « 12  Lorsqu’il fut près de la porte de la ville, voici, on portait en terre un mort, fils unique de sa mère, qui était veuve ; et il y avait avec elle beaucoup de gens de la ville. 13  Le Seigneur, l’ayant vue, fut ému de compassion pour elle, et lui dit : Ne pleure pas ! 14  Il s’approcha, et toucha le cercueil. Ceux qui le portaient s’arrêtèrent. Il dit : Jeune homme, je te le dis, lève-toi ! 15  Et le mort s’assit, et se mit à parler. Jésus le rendit à sa mère. 16  Tous furent saisis de crainte, et ils glorifiaient Dieu, disant : Un grand prophète a paru parmi nous, et Dieu a visité son peuple. 17  Cette parole sur Jésus se répandit dans toute la Judée et dans tout le pays d’alentour. » (Luc 7:12-17)

Alors que Jésus marche dans la ville et approche la porte d’entrée de la ville, Il croise un cortège funéraire, et son regard s’arrête sur une veuve qui vient de perdre son fils, son unique enfant. La Bible nous dit qu’il fut « ému de compassion pour elle ». La situation de cette femme a réussi à ébranler la paix qui habitait Jésus et la sérénité qui marquait son entière confiance dans les chemins du Père. Lui qui avait l’habitude de se laisser guider par Sa main rassurante et de ne rien faire sans l’accord de son Papa dans le ciel, est traversé par une émotion qui s’accapare de tout son être.

Il sait que sans cet enfant, cette veuve se retrouvera seule et sans subsistance pour le reste de sa vie. Cette situation ne laisse pas Jésus indifférent. L’expression « être ému de compassion », exprime une vague d’émotion qui saisit un être humain dans ses tripes et mobilise toute son énergie !

En lisant ce récit, il nous parait évident que Jésus va réagir de cette façon, mais essayons-nous à un exercice sur le texte, pour nous demander pourquoi Jésus réagit-il comme il le fait. Pour la plupart d’entre nous, cette vague d’émotions se transformerait en colère ou en pitié, car nous ne savons pas trop quoi faire quand cette vague nous envahit, si nous avons le courage de la laisser venir. Bien souvent, la plupart d’entre nous, avons fermé notre possibilité de nous émouvoir au nom de l’éducation ou au nom de tout autre principe. Le domaine des émotions est un domaine difficile à gérer. Une fois que nous les laissons s’exprimer, nous nous exposons et devenons vulnérables. Si c’est une émotion de joie, je prends le risque que personne ne se réjouisse avec moi, si c’est une émotion de peur, je prends le risque de paraître faible et si c’est une émotion de bonté, je risque d’être limité dans ma façon d’aider la personne concernée.

Lorsqu’on parle des émotions que Jésus exprime, il y a eu un grand débat au cours de l’histoire de l’Église pour savoir quelle est la partie de Jésus qui s’exprime. Si Jésus est pleinement Dieu, il est aussi pleinement homme. Certains ont donc lié certaines expressions d’émotions plus à sa nature humaine, et d’autres à sa nature divine. Sa colère dans le temple serait à mettre sur le compte de sa nature humaine, alors que la compassion qu’il éprouve dans ce passage serait visiblement à mettre au profit de sa nature divine. Mais il y a un gros problème, car cette division nous éloigne du mystère de l’incarnation et ne soulève pas le vrai problème : Jésus a pu exprimer ce domaine sans jamais franchir le cap du péché. Pour nous, c’est difficile à concevoir. Nos réactions sont tellement marquées par notre nature pécheresse que nous dépassons la limite de la loi divine et que nous péchons ! Jésus, comme le dit la première lettre de Jean : « Or, vous le savez, Jésus a paru pour ôter les péchés, et il n’y a point en lui de péché. » Même dans ses gestes de colère, les contemporains de Jésus n’ont trouvé aucune trace d’une désobéissance à la loi divine et morale. Jésus est resté « juste » en tout temps !

Mais Jésus reste serein, sa paix demeure et sa relation avec son Père fait le reste, Il sait que Dieu peut intervenir. Les actions qui suivent nous parlent d’un homme en pleine harmonie avec le ressenti de son cœur : il apaise la maman en l’invitant à ne pas pleurer. Il touche le cercueil et, alors que le cortège s’arrête, il prononce ces paroles qui auront un impact unique sur toute la foule : « Jeune homme, je te le dis, lève-toi ! ». Le terme utilisé est plus fort qu’un simple ordre à se mettre debout, il y a une allusion claire à la résurrection ; c’est comme s’il lui disait : « Lève-toi d’entre les morts ! » Et là, devant une foule venue pour consoler cette mère, un événement unique se produit : « Et le mort s’assit, et se mit à parler. Jésus le rendit à sa mère. »

Jésus aurait pu réagir à cette situation de manière différente. Il aurait pu reprocher l’incrédulité de ses disciples ou être agacé par l’inefficacité du système religieux. Il l’a fait à d’autres occasions, lorsqu’il avait demandé aux disciples de prier pour un autre garçon. Mais le temps n’est pas aux reproches, le temps est à la manifestation de la compassion et de l’amour de Dieu. Le Royaume où Jésus est Roi est un domaine où la compassion et l’amour s’expriment et ramènent chacun face à son Créateur, face à son « Papa »

Jésus aurait aussi pu simplement prier pour cette mère, pour qu’elle soit fortifiée et affronte la réalité du deuil et de la solitude avec une nouvelle force. Mais le temps n’était pas seulement à la consolation. Le Royaume devait être prêché avec puissance et force pendant le temps de sa venue. Le temps n’était pas au doute et à la fuite. Jésus fait face, dans une dépendance totale au Père. Il n’a aucune peur, il est rempli d’assurance, car  « L’amour parfait bannit la crainte » ! Il parle avec une autorité bouleversante, qui sera reconnue même par ses ennemis ! Il s’adresse au mort, comme il l’a fait face au vent qui menaçait de faire chavirer la barque ! Sa Parole a toujours une grande efficacité ! Lorsque Jésus parle avec autorité, les malades sont guéris, les tourmentés sont délivrés !

C’est là que réside son secret : dans les moments où son cœur est bouleversé par cette vague de compassion, il trouve les gestes à faire, les mots à dire et le changement se produit, le miracle se fait !

 Mais continuons notre réflexion : le Fils de l’homme, (expression qu’on retrouve souvent chez Luc) aurait pu aussi être rempli d’une tristesse et se mettre à pleurer comme il le fera pour Lazare en Jean au chapitre 11, lorsqu’il réalise que son ami est mort. Des pleurs de tristesse certes, mais mélangés à des larmes de compassion face à la condition humaine et sa faiblesse extrême face à la mort. Ici, il n’est pas question de larmes. Sa compassion sera le levier de la puissance de Dieu pour changer la situation de cette femme.

Jésus, aussi appelé « l’homme de douleur, habitué à la souffrance », se laisse découvrir dans ce récit comme « l’homme de paix, le Prince de paix », qui produit une grande joie. On retrouve d’ailleurs ce mélange d’émotions dans la foule qui constate le miracle. Il y a un mélange de crainte de Dieu, mais aussi de chants de louange qui glorifient Dieu pour ce qu’il a fait.

C’est peut-être ces nuances d’émotions qui peignent le mieux le tableau qu’on a essayé de décrire ce soir ! Un  beau mélange de couleurs qui dépeint à la fois la grandeur et la puissance de Dieu qui nous pousse à une respect de Sa majesté ; et à la fois la beauté de sa compassion et de son amour pour cette femme qui nous pousse à le glorifier et à l’aimer toujours plus ! Quelque soit notre situation, quelque soit les ravages que la mort produit déjà dans nos vies, Dieu manifeste sa grâce et sa compassion dans nos vies pour nous rencontrer et nous relever de tous nos tombeaux.

Que Dieu vous bénisse !

Pour écouter le message : Emission


©octobre 2018 – Albert Leclercq- RTBF – Compassion à toute épreuve –

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